University of Bielefeld -  Faculty of technology
Networks and distributed Systems
Research group of Prof. Peter B. Ladkin, Ph.D.
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Les premières traces d'impact de l'avion sur le sol sont situées une trentaine de mètres après les premiers arbres endommagés. Dans cette zone, on trouve également une des jantes du train avant et son pneu.

On trouve ensuite de nombreux morceaux de petit volume; parmi ceux-ci, le montant central de pare-brise enchâssé dans une souche et un morceau du cadre 64 (ce cadre est situé en arrière du dernier hublot) , ainsi que le vérin de manoeuvre de la porte cargo avant.

Après ces débris on trouve les premiers éléments volumineux de l'épave.

A environ 40 mètres des premières traces d'impact sur le sol se trouve la structure arrière de l'avion contenant l'empennage et le cône de queue qui contient le groupe auxiliaire de puissance (APU) . Celui-ci n 'a pas souffert du feu qui a sévi en avant de sa cloison pare-feu, et il est quasiment intact. La vanne de prélèvement d'air est en position fermée. La vis du Plan Horizontal Réglable (PHR) a été retrouvée intacte. L'écrou se trouve à une distance de 24,5 cm (28 filets) du roulement de sortie du vérin. Cette valeur correspond à une position de PHR de 3,7° à cabrer.

L'empennage est fortement endommagé par l'impact et le feu. La structure dans la zone située entre la cloison pare-feu APU et le cadre 65 a été entièrement détruite par le feu. Les résines des parties composites (dérive et PHR) sont entièrement consumées. La cloison de pressurisation est également détruite par le feu. Les enregistreurs (CVR et DFDR), installés dans cette zone, y ont été retrouvés.

Le cône de queue, en arrière de la cloison pare-feu de l'APU, n'est endommagé ni par le feu ni par l'impact.

Quelques mètres en avant de l'empennage, on trouve la partie arrière du plancher de la cabine passagers comprise entre les cadres 64 et 57. Sur ce plancher se trouvent, du côté gauche, les sept derniers rangs de sièges passagers, et du côté droit, le dernier rang de sièges passagers et le siège du PNC. Le siège PNC côté gauche ne se trouve plus sur le plancher. Les sièges passagers sont relativement peu endommagés. Le quart inférieur droit du fuselage entourant normalement ces sièges se trouve sous cette partie de plancher. Le quart supérieur droit de cette partie de fuselage a été détruit par le f eu. La partie restante a été retrouvée attachée au tronçon central de fuselage.

Quelques mètres à gauche du plancher cabine se trouve un tronçon d'aile gauche et son mât réacteur.

A côté du tronçon d'aile gauche se trouve la jambe de train principal gauche qui est brisée transversalement au niveau du fût.

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A droite du cône de queue, dans le sens de la trajectoire, on trouve un morceau d'aile droite avec la jambe de train principal droit en position sorti.

Une quinzaine de mètres en aval du plancher de la cabine arrière se trouve le tronçon central de fuselage compris entre les cadres 35 et 47. Cette section est peu endommagée mécaniquement. Par contre, elle a souffert d'un feu extérieur, surtout sur sa partie droite. Tous les sièges qui y étaient situés, ainsi que leurs occupants, ont été projetés à l'extérieur vers l'avant.

Dans cette zone du tronçon central ont été également retrouvés une armoire de la soute électronique, de nombreux calculateurs ou parties de calculateurs, et le QAR. Le boîtier, fortement endommagé, de la balise de détresse se trouvait également dans cette zone.

Le reste de l'avion, c'est à dire la plus grande partie, est réparti sur toute la zone dans un état de dislocation intense. En particulier, le cockpit, et plus généralement toute la partie située entre la pointe avant et le cadre 35, (cadre situé au niveau du bord d'attaque de l'aile) a été disloqué par les impacts successifs contre le sol et les arbres et ses éléments ont été retrouvés répartis sur une grande surface et dans un état de fragmentation important.

Le réacteur gauche est détaché de son mât. Il est sectionné en deux parties, le plan de séparation étant à l'interface du carter intermédiaire et du compresseur haute pression. La partie avant (le carter de fan) repose à plat, les aubes de fan regardant vers le ciel, carter très déformé. Aucune aube n'est manquante, quelques-unes sont rompues, la plupart des autres, déformées, portent de nombreuses traces d'ingestion de bois. Les vannes de décharge du compresseur basse pression (VBV) sont en position ouverte. Un vérin de commande du stator à calage variable du compresseur haute pression (VSV) est en position tige sortie (VSV fermée).

De nombreux équipements du moteur, fixés à la périphérie du carter de fan, ont été arrachés et disséminés sur le site.

La partie arrière (compresseur haute pression, chambre de combustion, turbines haute et basse pression, tuyère), se trouve coincée sous un élément de fuselage, axe de rotation sensiblement horizontal.

Le dispositif d'inversion de poussée a été très endommagé en particulier au niveau des attaches sur le mât, déformées et rompues. Deux des vérins hydrauliques de

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commande d'inversion de poussée sont visibles. Leurs tiges sont en position rentrée.

Les deux parties du réacteur ne portent pas de traces de feu significatives.

Le réacteur droit est resté entier et attaché à son mât sur un tronçon de voilure, son axe de rotation étant sensiblement horizontal dans le sens de la trajectoire.

Aucune aube de fan ne manque certaines sont rompues, la plupart sont déformées et portent de nombreuses traces d'ingestion de bois. Les vannes de décharge du compresseur basse pression (VBV) sont en position ouverte et les vérins de VSV en position tige sortie (VSV fermée).

Comme sur le moteur gauche, de nombreux équipements du moteur, fixés sur le carter de fan, ont été arrachés et disséminés sur le site.

Le dispositif d'inversion de poussée a subi des dommages importants, son système de fixation arrière est arraché. Le demi inverseur droit est resté en place, ses deux volets sont fermés.

Ce réacteur ne porte pas de traces visibles de feu.

113.15 - Examen des commandes, gouvernes et indicateurs

La commande de volets, retrouvée en avant du tronçon central de fuselage, était prise dans un bloc de glace. Elle était positionnée entre les repères 2 et 3.

Plusieurs "rotary actuators" de volets et de becs indiquent que les volets étaient sortis sans que l'on puisse en déterminer la position exacte par simple examen visuel. Il a donc été procédé à des mesures précises sur ces éléments. Le report sur un avion identique des valeurs relevées a permis de déterminer que les volets étaient braqués en position 2, soit 15°, au moment de l'impact.

Des mesures ont également été faites sur des rails de becs. Le report sur un avion identique des valeurs trouvées a montré que les becs étaient sortis à 22° au moment de

l'impact.

La commande de spoilers a été retrouvée une dizaine de mètres en arrière de l'empennage. Elle est en position "spoilers rentrés". Cette commande a été tordue par l'impact, et l'emplacement de sa déformation montre qu'elle

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se trouvait effectivement dans cette position "spoilers rentrés" au moment de l'impact.

Plusieurs vérins de spoiler ont été retrouvés. Ils ne permettent pas de conclure sur la position des spoilers à l'impact. En effet, lorsque la pression hydraulique disparaît, les vérins reviennent à leur position de repos qui correspond à la position spoilers rentrés. Par contre, la plupart de ces vérins sont restés solidaires d'une partie au moins des panneaux mobiles qu'ils commandaient, qui sont relativement peu endommagé. Compte tenu de la dislocation de la structure de la voilure, il est permis de penser que ces panneaux de spoilers auraient subi d' importants dommages s'ils avaient été déployés au moment de l'impact. Il est donc vraisemblable que les spoilers aient été rétractés, ou

faiblement braqués (fonction roulis) à l'impact.

La commande de manoeuvre du train d'atterrissage, trouvée à droite de l'empennage était verrouillée sur la position "sorti".

L'horizon artificiel de secours, retrouvé en arrière de l'empennage, était bloqué dans la position 25° à piquer et 20° d'inclinaison à gauche.

L'altimètre de secours, retrouvé en avant du tronçon central de fuselage, était calé entre 1023 et 1024 Hpa. Son aiguille était cassée. Le tambour, qui semblait toujours fonctionner, indiquait entre 2000 et 3000 pieds.

113.2 - Synthèse concernant l'examen de l'épave

L'examen de l'épave montre que toutes les extrémités de l'avion ainsi que toutes ses parties mobiles étaient présentes sur le site. L'avion n'a donc pas subi de rupture antérieure aux impacts avec les arbres et le sol.

La répartition de l'épave et les traces sur les arbres laissent penser que l'avion était en vol piloté au moment de l'impact. Le plan de descente était de l'ordre de 12° et l'inclinaison d'une quinzaine de degrés à gauche.

La comparaison de la trajectoire et de l'axe des éléments importants, en particulier le tronçon central de fuselage, montre que, après le premier impact, l'avion a glissé dans les arbres en dérapage à droite.

La partie arrière du fuselage s'est détruite sous des efforts latéraux. Elle a été arrêtée dans sa course par des arbres et a subi les à-coups des ruptures successives des éléments de voilure. Dès le contact avec le sol, la pointe avant s'est désintégrée, comme le montre la dispersion des éléments du cockpit et de la partie avant de la cabine sur l'ensemble du site. La partie inférieure du fuselage avant

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a été arrachée au fur et à mesure de la progression dans les arbres. La partie supérieure s'est déversée sur le sol jusqu'à son enroulement sous la partie centrale.

L'examen de l'épave a également permis de déterminer la configuration avion suivante:

- train sorti

- volets sortis à 15° et becs sortis à 22°, ce qui correspond à la position 2 de la commande de becs et de volets.

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CHAPITRE 1.14 - RENSEIGNEMENTS MEDICAUX ET PATHOLOGIQUES

114.1 - Commandant de bord

L'analyse du dossier médical d'expertise du commandant de bord et les différents éléments du dossier de l'enquête ne font apparaître aucun élément permettant

d'étayer l'hypothèse d'une incapacité subite en vol.

L' identification des restes mortels du commandant de bord n'a pu être effectuée que par analyse génotypique (rapprochement des fragments issus d'un même corps puis recherche d'un éventuel lien de parenté avec ses ascendants). Bien que la reconstitution du corps n'ait pas été complète, l'identification est formelle.

Plusieurs prélèvements ont été effectués à fin d'analyse: un échantillon de sang, un échantillon d'humeur vitrée (oeil), un fragment de foie.

L'échantillon de foie a servi à une double recherche toxicologique, par immunofluorescence et par chromatographie en phase gazeuse. Ces analyses n'ont mis en évidence aucune substance médicamenteuse ou toxique de la série suivante: benzodiazépines, antidépresseurs tricycliques, barbituriques, opiacés, dérivés de la cocaïne, dérivés des amphétamines, cannabinoïdes.

Les dosages d'alcool éthylique ont été effectués par chromatographie en phase gazeuse complétée par une détection spécifique par spectrographie de masse, chromatographie en phase liquide et détection spectrophotométrique. Cet ensemble de techniques permet de doser l'alcool éthylique de façon très spécifique. Sur le prélèvement de sang, l'analyse a montré un taux d'alcool éthylique de 0,28 g/1; par contre, aucune trace d'alcool éthylique n'a été retrouvée au niveau de l'échantillon de 1'humeur vitrée. Cette discordance peut s'expliquer par une formation d'alcool éthylique post-mortem, par fermentation des sucres contenus dans le sang, au cours de processus inéluctables de fermentation. Ce mécanisme n'existe pas dans l'humeur vitrée, tissu exempt de sucres fermentescibles. Le taux d'alcool (nul dans le cas présent) retrouvé dans l'humeur vitrée à distance de la mort est actuellement considéré comme très proche du taux sanguin au moment de la mort.

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Dans ces conditions, il est licite de considérer que le commandant de bord ne présentait aucune cause connue ou décelable d'incapacité subite en vol et qu'il n'a été détecté aucune trace d'intoxication éthylique, toxique ou médicamenteuse.

114.2 - Copilote

Le dossier médical d'expertise du copilote fait état de quelques troubles, qui ne remettaient pas l'aptitude en cause : excès pondéral, dyslipidémie modérée, augmentation des gamma-GT plasmatiques depuis au moins 3 ans, tendance à l'apparition d'hypertension artérielle progressive.

Devant l'existence de facteurs de risque, le copilote a subi un test d'effort en février 1991, test considéré comme n'ayant montré aucune anomalie cardiaque. L'expert notait dans le compte-rendu de visite du 25 septembre 1991 "à revoir dans trois mois pour contrôle clinique et biologique". Il n'y a pas de trace d'une nouvelle visite au CEMPN depuis cette date, mais elle n'avait pas de caractère obligatoire.

Le rapport d'expertise médico-légale fait état de restes mortels très fragmentés et partiellement carbonisés. Sept éléments ont été identifiés, ne permettant pas de reconstituer l'ensemble du corps. La reconstitution du corps a pu être établie par l'étude comparative des génotypes des différents fragments, sans qu'il ait pu être effectué d'identification par lien de parenté. L' identification du corps du copilote est cependant formellement établie par concordance partielle des données odontologiques ante-mortem et post-mortem, par son collier de barbe et par ses effets vestimentaires.

Un fragment de muscle strié et un fragment de paroi gastrique ont été prélevés pour analyse. La recherche de substances toxiques ou médicamenteuses a été effectuée dans les mêmes conditions que précédemment décrites pour le pilote. Elle n'a mis en évidence aucune des substances recherchées.

La recherche d'alcool éthylique a été réalisée dans les mêmes conditions que pour le pilote. Elle a montré comme résultats: 0,90 mg/g (milligrammes par gramme de tissu humide) dans le prélèvement musculaire et 0,31 mg/g (idem) dans le prélèvement de paroi gastrique.

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Il est difficile d'interpréter des résultats de dosage d'alcool sur des débris tissulaires qui ont été le siège de modifications biochimiques complexes. Avec une grande prudence dans l'interprétation, ces résultats permettent d'évoquer la néoformation post-mortem d'alcool éthylique dans le fragment musculaire par fermentation des sucres issus des substrats énergétiques musculaires. Il semble cependant que la concentration mesurée en éthanol (0,90 mg/g) soit trop élevée pour pouvoir être attribuée uniquement à cette cause. A l'opposé, la concentration mesurée dans la paroi gastrique, qui ne présente pas la même richesse que le muscle en substrats énergétiques, semble devoir être un bien meilleur indicateur de la concentration sanguine de l'alcool éthylique au moment de la mort. La commission ne peut donc exclure l'hypothèse d'une alcoolémie non nulle au moment de l'accident. Dans ce cas, il est possible de retenir le taux de 0.30 g/1 au plus comme alcoolémie probable à cet instant.

Le copilote présentait les signes métaboliques et enzymatiques généralement retrouves chez les sujets consommateurs habituels de boissons alcoolisées, sans toutefois que ces signes soient suffisants pour entraîner une décision d'inaptitude. Il est donc possible de penser qu'une certaine consommation de boissons alcoolisées par ce sujet était habituelle.

Les éléments disponibles montrent donc, avec toute la prudence qui s'impose, que le copilote consommait probablement de façon usuelle une certaine quantité de boissons alcoolisées et que, au moment de l'accident, son alcoolémie était inférieure ou égale à 0,30 g/1. Dans l'hypothèse d'un taux d'alcool non nul, compte tenu des imprécisions des données actuelles de la science, il n'est absolument pas possible d'évaluer quelle aurait pu être l'alcoolémie du copilote au moment de sa prise de service.

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CHAPITRE 1.15 - INCENDIE

Les analyses anatomo-toxicologiques pratiquées sur les victimes permettent de dire qu'il n'y a eu ni incendie ni dégagement de fumées toxiques avant l'impact. Il n'a en effet été retrouvé aucune trace de fumées, gaz ou matières dans les voies respiratoires de ces victimes.

Trois foyers d'incendie ont été constatés sur le site de l'accident (voir croquis en annexe 4).

Le dossier de vol de l'avion permet d'évaluer à environ 4500 litres la quantité de carburant encore présente dans les réservoirs au moment de l'accident. Une partie du kérosène a pu être pulvérisé sur le site lorsque les ailes ont été arrachées.

Bien que n'ayant pu être identifiée formellement, l'origine la plus probable des foyers d'incendie est l'inflammation du kérosène entrant en contact avec des parties chaudes des réacteurs.

A l'état vapeur, le kérosène peut être enflammé en présence d'une flamme ou d'une étincelle dès que la température atteint 42°C ("point éclair"). A l'état liquide, en contact avec une source de chaleur dont la température est supérieure à 250° C, le kérosène s'autoenflamme.

Du point de vue de l'extension des foyers, celui situé dans la zone avant a été le plus important . Il s'est probablement déclaré au moment de l'impact ou très peu de temps après. Des examens réalisés sur des pièces d'alliage à base de titane et des amalgames d'alliage à base d'aluminium ont montré que la température maximale à laquelle ces éléments de l'épave ont été soumis était de l'ordre de 700 °C.

Le foyer situé dans la zone centrale, à droite du fuselage, semble s'être propagé à retardement par écoulement de carburant provenant sans doute des restes d'un réservoir de l'aile droite. En effet, un survivant grièvement blessé aux chevilles a témoigné avoir été brûlé bien après le crash malgré ses efforts pour s'éloigner du feu en progression. Il semblerait, toujours d'après son témoignage, que deux passagers survivants mais très grièvement blessés, aient été atteints et carbonisés par le carburant enflammé qui se répandait.

Le foyer situé dans la zone arrière est moins étendu que les premiers. Il semble avoir été essentiellement alimenté par le carburant destiné à l'APU. Les enregistreurs CVR et DFDR ont été retrouvés dans cette zone. Les examens réalisés sur ces enregistreurs (voir §112.15) ont permis d'évaluer à 700 °C la température

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atteinte sur un flanc du carter du DFDR. L'examen d'un amas d'alliage d'aluminium dans lequel étaient coincés des fils de cuivre, et d'une tâle à base d'aluminium, a permis d'estimer que localement dans la partie arrière la température maximale atteinte était comprise entre 500 et 800 à 1000 °C.

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Peter B. Ladkin, 1999-02-08
Last modification on 1999-06-15
by Michael Blume